mercredi 27 novembre 2013

[Armand Cabasson] La Chasse Sauvage du colonel Rels

Titre : La Chasse Sauvage du colonel Rels
Auteur : Armand Cabasson
Editeur : ActuSF
Nombre de pages : 216 en papier (~136 en numérique)

Lorsque la fantasy se perd dans les méandres de l'Histoire...



... on peut voir le roi Peste mener ses troupes dans un Londres ravagé par la maladie. Partir à la rencontre de Giacomo Mandeli, peintre de génie contraint de travailler pour l’Inquisition. Suivre les Vikings de Knut affrontant les armées anglo-saxonnes, ou, alors que la guerre de Sécession fait rage, vivre la dernière chasse sanglante du colonel Rels.



Russie, Japon, Irlande, Espagne, États-Unis... Armand Cabasson nous entraîne dans un périple à travers l’Histoire, les légendes et les guerres, pour nous offrir des moments de fantasy forts, puissants, servis par une poésie sauvage.

Vous aimerez :
- la variété des lieux et des époques visités
- le style très imagé
- le fantastique paré des atours de la fantasy

Vous n'y trouverez pas :
- de récit sans violence
- de récit moraliste et/ou manichéen

Mon avis ?
Un très bon recueil, aux textes variés, surprenants !

Le fantastique s'invite de différentes façons dans les nouvelles. Il est parfois un élément surnaturel tel que nous en avons l'habitude. D'autres fois, c'est parce que les événements mêmes décrits dans la nouvelle n'ont jamais eu lieu, quand bien même s'inscrivent-ils dans l'Histoire réelle et se présentent-ils avec tous les traits que l'on veut bien prêter à un fait historique reconnu... de jolis tours de force, d'autant plus que chaque nouvelle se tient dans une aire culturelle ou une époque différente. A chaque texte, j'étais un peu plus béate devant l'érudition de l'auteur – ou sinon de la minutie de ses recherches.
1348 ouvre le recueil, nous décrivant une ville de Londres méconnaissable, assaillie par les troupes du roi Peste – oui, une maladie incarnée. Cette nouvelle sonne aussi grand et fort qu'une symphonie d'ouverture : toute l'horreur et l'absurdité de la guerre et de la maladie s'y retrouvent et résonnent, alors que nous suivons un héros qui n'a rien d'héroïque se frayer un chemin dans la ville ravagée. J'avoue que cette première nouvelle m'a laissée songeuse, au début, car j'ai d'abord cherché à l’interpréter, alors qu'en fait, mieux vaut se laisser porter... ce que j'ai fait, et je n'ai pas regretté même si ce n'est pas une de mes préférées du recueil.

La Chasse Sauvage du colonel Rels, dont le recueil tient son titre, nous plonge en pleine guerre de sécession. J'ai aimé l'ambiance, et la ruse du personnage principal, qui n'est pas un ange, loin de là. Calculateur, étrangement démoniaque, il constitue à lui seul l'élément fantastique de cette nouvelle, quand bien même est-il entièrement humain. Mais ses actes et ses exploits le rendent surhumain, presque... surnaturel. Jolie chute, au passage, qui renforce cette impression de surnaturel au cœur de l'humain !

L'Héritage, nouvelle japonisante, se passe à l'époque des fameux samouraïs. Je l'ai bien aimée, j'ai trouvé que la narration (surtout sur la fin) se rapprochait du ton des nouvelles japonaises authentiques, mais j'ai été un peu déçue par la simplicité de l'ensemble, d'autant plus qu'il y a certains passages très descriptifs sur des détails culturels qui m'ont un peu ennuyée. Un rendez-vous manqué, pour cette nouvelle, malheureusement.

Giacomo Mandeli, gros coup de cœur pour cette nouvelle qui raconte le voyage d'un peintre de la Renaissance, qui quitte sa Florence adorée pour rejoindre l'Espagne de l'Inquisition. Deux cultures contemporaines l'une de l'autre mais très peu souvent mises face à face, et j'ai adoré le choix osé de l'auteur effectué ici ! Chapeau ! De même, j'ai adoré le sujet en lui-même : le peintre est réputé pour son talent, celui de révéler le vrai visage des choses quand il les peint. C'est pourquoi, pour mieux combattre son ennemi, l'Inquisition lui commande un portrait de Satan... une nouvelle exquise, très bien écrite, avec une belle réflexion sur l'Art et la religion, sans maniérisme ni manichéisme. Une perle d'écriture !!

Les Chuchotements de la Lune nous emporte encore du côté du Moyen-Âge, mais chez les Vikings cette fois-ci ! Armand Cabasson revisite le mythe des berserks et des lycans tout à la fois, pour nous livrer ici une nouvelle pleine du feu de la guerre et du sang du sacrifice... quelques longueurs, mais j'ai bien aimé le personnage principal.

Saint Basile le Victorieux est probablement l'unique nouvelle du recueil à laquelle je n'ai pas, mais alors pas du tout accroché. Tout y est, pourtant : contexte intéressant, style impeccable, ambiance de fin du monde... mais je ne sais pas, je n'ai pas réussi à entrer dans le texte, pas une seule fois – probablement à cause du personnage central, imbuvable (si l'auteur voulait nous le faire détester, c'est réussi ^^).

Le Minotaure de Fort Bull nous ramène aux États-Unis à l'époque de la guerre de Sécession, et j'ai encore plus aimé cette nouvelle que la précédente sur le sujet ! Je n'en dirai pas plus sur cette nouvelle, si ce n'est que c'est un de mes coups de cœur et que j'ai eu l'impression de lire une histoire à la source des mythes. Voilà. C'est dit : une histoire d'une résonnance épatante, tant au niveau historique que mythologique... et humain. Sans concessions ni manichéisme. Extraordinaire !

Les Mange-Sommeil, nouvelle qui clôt le recueil... et diffère complètement des autres textes. pas de grande bataille, ici, sinon celle de la vie et de la mort. Une histoire d'enfants et de magie ; de mort et de fées. Un énorme coup de cœur, aussi, pour cette nouvelle finale. De nombreuses larmes versées, aussi, car le sujet et le personnage m'ont particulièrement touchée – à dire vrai, cela fait écho à des choses que j'ai vécues. Un texte poétique mais dur, froid mais rassurant, chaleureux par d'autres côtés... superbe.

Pour conclure cette (très longue) chronique, je voulais saluer l'auteur pour les incroyables recherches qu'ils a dû mener. Cela se ressent dans la qualité des textes, sans pour autant les alourdir : une réussite ! Je n'ai certes pas aimé toutes les nouvelles du recueil, et dans celles que j'ai aimées il y a divers degrés, mais j'ai beaucoup apprécié ma lecture. Je retiendrai tout particulièrement la nouvelle sur Giacomo Mandeli et les deux textes finaux, qui m'ont émue et transportée loin, très loin à l'intérieur de moi.

Merci, Monsieur Cabasson, pour ces trois nouvelles-là en particulier... les mots sont d'une extraordinaire justesse, on entend murmurer la source des mythes en dessous d'eux, et la voix des Humanités toute entière. C'est une lecture que je vais longtemps porter en moi.

6 commentaires:

  1. Du coup pas de note ? ^^

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    1. Je ne mets plus de notes depuis quelques temps : à chaque fois j'ai du mal à en donner une, et puis je trouve l'idée de valeur littéraire complètement à côté de la plaque... donc non, pas de note, sur aucune des chroniques à venir ;)

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  2. Je vois que je n'ai pas été la seule à aimer ^^

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  3. "Giacomo Mandeli" a l’air d’être une nouvelle passionnante, merci pour ta chronique.

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    1. Je t'en prie :)
      Vu le sujet et l'angle d'approche choisi par l'auteur, je pense qu'elle te plairait, en effet !

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