vendredi 19 avril 2013

[Entretien avec...] Patrice Verry 2/2

Vendredi dernier, vous faisiez la connaissance de Patrice Verry, alias l'Homme au Chapeau, dont la personnalité rayonnante et la plume virtuose ne peuvent laisser indifférent. Suite et fin de cet entretien...

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Ah, d'ailleurs, il faut d'ailleurs que je me procure l'artbook de Fleurine, il a l'air superbe et le sommaire est très alléchant.
Sinon, je vois que tu as écrit beaucoup de nouvelles avant de te lancer dans le roman... y a-t-il une raison particulière à cela ?

La nouvelle est une forme courte qui permet d'obtenir un résultat rapidement. Un roman nécessite beaucoup de travail. Le premier que j'ai écrit sérieusement m'a pris 5 ans (de 1997 à 2002), et il faudrait que je le retravaille pour qu'il soit publiable. Je suis toujours sidéré quand je vois des auteurs qui en écrivent plusieurs par ans.
Ou comme pour tes "nuits d'écriture" où il faut avancer dans le texte sans se retourner. Je ne sais pas faire ça. À un moment je finis par sortir de l'histoire, ne plus la ressentir et mon imagination se bloque. Je travaille par couches successives. Les héros, le décor, les motivations, la cohérence, les péripéties. À un moment il faut que je passe la deuxième couche, même si je n'ai pas terminé le texte. Il faut donc revenir en arrière ce qui fait baisser la productivité.
Pour finir, j'ai du mal à me concentrer sur la même chose pendant plusieurs mois. Il me faut des parenthèses. Bon, d'accord, l'année dernière les parenthèses ont pris plus d'importance que l'écriture du roman  Ce n'est pas grave. J'ai pris beaucoup de plaisir à imaginer toutes ces histoires.
Cela dit, même si la forme nouvelle se prête plus à un aboutissement rapide, ce n'est pas pour autant qu'elle sera publiée rapidement. La concurrence est rude quand on répond à un appel à textes.

C'est certain qu'on vient plus facilement à bout d'une nouvelle que d'un roman. Ce n'est toutefois pas un exercice facile et je pense que les apprentis nouvellistes qui nous lisent seront d'accord. D'ailleurs, en tant que nouvelliste confirmé et plusieurs fois publié, quels conseils peux-tu donner aux auteurs qui souhaiteraient se lancer dans l'écriture de nouvelles ?
 
Hé Hééé ! La question piège !
Hélas ! Je n'ai pas de recette toute faite.
La première question à se poser, sans doute est : veut-on écrire pour soi ou pour être publié (et donc s'offrir en pâture à des lecteurs qui ne penseront pas forcément du bien de votre œuvre).
Si l'on veut être publié, il faut passer la barrière de la "timidité". Il important d'écrire ce que l'on a envie d'écrire, sans se mettre des restrictions (sinon on n'y prend pas de plaisir).
Il faut accepter  le regard d'un bêta-lecteur : pas quelqu'un de la famille ou un ami qui n'osera peut-être pas donner son avis sans concession, mais quelqu'un d'extérieur qui fera des remarques nécessaires, parfois désagréables, mais avec tact et dans le but d'aider l'écrivain à donner le meilleur de lui-même. C'est bien entendu quelqu'un qui s'interdira de réécrire à la place de l'auteur.
L'écrivain devra être capable d'accepter ces commentaires sans se sentir agressé dans sa personne : il peut arriver que l'on écrive de très mauvais textes, il faut savoir accepter cela, ce n'est pas pour autant que l'écrivain lui-même est un mauvais individu. Quoi qu'il en coûte, il est important de savoir séparer la critique de l'œuvre et celle de l'artiste en tant qu'être humain.
Ensuite il faut travailler. Il est donné à peu le don inné de savoir écrire. Je ne parle pas de grammaire et d'orthographe. Raconter une histoire ce n'est pas seulement aligner des mots en bon français. C'est donner aux lecteurs (enfin, à certains lecteurs, car il est rare de plaire à tout le monde) la possibilité d'entrer dans son histoire. La principale critique que je ferais aux jeunes auteurs, c'est le manque de tension, le fameux "show don't tell" (montrer plutôt que dire).
Par exemple, si j'écris "Le tigre sort du buisson et le héros a peur", ce qui est sûr, c'est que lecteur, lui n'a pas peur.
Dans ce qui suit, je ne dis pas que le héros a peur, mais on le voit à ses réactions. Et quelques petits détails montrent au lecteur que le héros est vraiment dans la... dans les ennuis quoi !
"Le héros se fige. Malgré la fraicheur ambiante, il commence à transpirer. N'a-t-il pas vu les buissons remuer ? Trop tard pour retourner à l'autre bout de la clairière, où il a stupidement laissé son fusil. Quand les crocs franchissent la barrière du fourré, il sait qu'il n'aura pas le temps d'atteindre le refuge de l'arbre voisin. De chasseur il est devenu proie."
Bon !  Si c'est le héros, il faudra quand même trouver un moyen de le sortir de là, sinon le lecteur ne va pas être content
Ce qui est sûr, c'est que chacun possède sa propre manière d'accrocher le lecteur, il n'y a pas une seule recette. Il faut y mettre ses tripes, et nous n'avons pas tous les mêmes tripes.
Après il y a la soumission à un éditeur, à un anthologiste (si l'on a répondu à un appel à texte). La concurrence est rude, comme je l'ai dit plus haut. Un refus n'est pas une déchéance. C'est dans l'ordre des choses, c'est une occasion de s'améliorer, de mieux cibler ses envois, de passer à un autre thème (parfois il ne faut pas s'acharner sur un texte uniquement parce qu'il nous tient à cœur)
Et si vous vous voulez une petite histoire drôle (mais assez vraie) sur la différence entre le paradis et l'enfer des écrivains, je vous livre celle-ci:
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Un écrivain arrive devant Saint-Pierre.
-Vos bonnes et vos mauvaises actions s'équilibrent, lui dit le gardien des clés du royaume des cieux. Nous allons vous laisser choisir entre l'enfer et le paradis des écrivains. Que voulez-vous visiter en premier.
-L'enfer, répond l'écrivain. Ça sera fait.
Ils descendent donc dans les profondeurs, passent une porte gigantesque et là, c'est l'horreur. Des milliers d'écrivains sont enchaînés devant leur poste de travail, avec leurs plumes, crayons, stylos, machines à écrire, ordinateurs... Ils écrivent frénétiquement tandis que de petites flammes leur lèchent les poignets et qu'ils sont fouettés par des démons.
-Ah non ! s'exclame l'écrivain. C'est vraiment trop dur. Allons voir le paradis.
Ils remontent et parviennent devant une nouvelle porte.
Quand ils la franchissent, l'écrivain ne peut en croire ses yeux :
Des milliers d'écrivains sont enchaînés devant leur poste de travail, avec leurs plumes, crayons, stylos, machines à écrire, ordinateurs... Ils écrivent frénétiquement tandis que de petites flammes leur lèchent les poignets et qu'ils sont fouettés par des démons.
-Mais, dit l'écrivain, je ne comprends pas. C'est la même chose qu'en bas !
-Ah non ! Répond Saint-Pierre. Ceux-ci sont publiés !!
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Bon courage !

Quelle est ton actualité littéraire sinon ? Y a-t-il de nouvelles parutions que nous devrions guetter cette année ?

Pour 2013, en dehors des deux textes que j'ai cités plus haut, il faut attendre encore "Une visite au Mont Saint-Michel" à paraître dans l'anthologie "Riposte-apo" pour notre convention imaJn'ère 2013 (http://imajnere.blogspot.fr). Bien que le titre ne l'évoque pas intuitivement, il s'inscrit dans cette antho post apocalyptique et débute 7 milliards d'années dans le futur (je n'ai peur de rien).
Une deuxième nouvelle doit également être publiée au premier semestre, mais je ne peux pas en dire plus tant que le sommaire de cette publication n'est pas officiellement connu (il faut bien un peu de mystère).
Ensuite, si je parviens à tenir les promesses que je me suis faites à moi-même, rien jusqu'à la sortie du roman que je prévois pour 2015 (terminer l'écriture, passer par un cycle de corrections, trouver un éditeur... Il faut du temps).
Cela dit, sur ces deux années à venir, j'aurai sans doute besoin de parenthèses pour ne pas devenir plus fou que je ne le suis déjà. Mais je suis bien incapable de dire aujourd'hui quelles formes elles prendront.

Merci Patrice pour ces réponses !! Et ton temps et ta générosité !

Quoi qu'il en soit, je te remercie chaleureusement de m'avoir donné la parole dans les colonnes de ton blog et te souhaite toute la réussite possible pour tes propres publications.

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