Vendredi dernier, vous faisiez la connaissance de Patrice Verry, alias l'Homme au Chapeau, dont la personnalité rayonnante et la plume virtuose ne peuvent laisser indifférent. Suite et fin de cet entretien...
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Ah,
d'ailleurs, il faut d'ailleurs que je me procure l'artbook de Fleurine, il a
l'air superbe et le sommaire est très alléchant.
Sinon,
je vois que tu as écrit beaucoup de nouvelles avant de te lancer dans le
roman... y a-t-il une raison particulière à cela ?
La nouvelle est une forme courte qui permet
d'obtenir un résultat rapidement. Un roman nécessite beaucoup de travail. Le
premier que j'ai écrit sérieusement m'a pris 5 ans (de 1997 à 2002), et il
faudrait que je le retravaille pour qu'il soit publiable. Je suis toujours
sidéré quand je vois des auteurs qui en écrivent plusieurs par ans.
Ou comme pour tes "nuits d'écriture" où
il faut avancer dans le texte sans se retourner. Je ne sais pas faire ça. À un
moment je finis par sortir de l'histoire, ne plus la ressentir et mon
imagination se bloque. Je travaille par couches successives. Les héros, le
décor, les motivations, la cohérence, les péripéties. À un moment il faut que
je passe la deuxième couche, même si je n'ai pas terminé le texte. Il faut donc
revenir en arrière ce qui fait baisser la productivité.
Pour finir, j'ai du mal à me concentrer sur la
même chose pendant plusieurs mois. Il me faut des parenthèses. Bon, d'accord,
l'année dernière les parenthèses ont pris plus d'importance que l'écriture du
roman Ce n'est pas grave. J'ai pris
beaucoup de plaisir à imaginer toutes ces histoires.
Cela dit, même si la forme nouvelle se prête plus
à un aboutissement rapide, ce n'est pas pour autant qu'elle sera publiée
rapidement. La concurrence est rude quand on répond à un appel à textes.
C'est certain
qu'on vient plus facilement à bout d'une nouvelle que d'un roman. Ce n'est
toutefois pas un exercice facile et je pense que les apprentis nouvellistes qui
nous lisent seront d'accord. D'ailleurs, en tant que nouvelliste confirmé et
plusieurs fois publié, quels conseils peux-tu donner aux auteurs qui
souhaiteraient se lancer dans l'écriture de nouvelles ?
Hé Hééé ! La question piège !
Hélas ! Je n'ai pas de recette toute faite.
La première question à se poser, sans doute est :
veut-on écrire pour soi ou pour être publié (et donc s'offrir en pâture à des
lecteurs qui ne penseront pas forcément du bien de votre œuvre).
Si l'on veut être publié, il faut passer la
barrière de la "timidité". Il important d'écrire ce que l'on a envie
d'écrire, sans se mettre des restrictions (sinon on n'y prend pas de plaisir).
Il faut accepter
le regard d'un bêta-lecteur : pas quelqu'un de la famille ou un ami qui
n'osera peut-être pas donner son avis sans concession, mais quelqu'un
d'extérieur qui fera des remarques nécessaires, parfois désagréables, mais avec
tact et dans le but d'aider l'écrivain à donner le meilleur de lui-même. C'est
bien entendu quelqu'un qui s'interdira de réécrire à la place de l'auteur.
L'écrivain devra être capable d'accepter ces
commentaires sans se sentir agressé dans sa personne : il peut arriver que l'on
écrive de très mauvais textes, il faut savoir accepter cela, ce n'est pas pour
autant que l'écrivain lui-même est un mauvais individu. Quoi qu'il en coûte, il
est important de savoir séparer la critique de l'œuvre et celle de l'artiste en
tant qu'être humain.
Ensuite il faut travailler. Il est donné à peu le
don inné de savoir écrire. Je ne parle pas de grammaire et d'orthographe.
Raconter une histoire ce n'est pas seulement aligner des mots en bon français.
C'est donner aux lecteurs (enfin, à certains lecteurs, car il est rare de
plaire à tout le monde) la possibilité d'entrer dans son histoire. La
principale critique que je ferais aux jeunes auteurs, c'est le manque de
tension, le fameux "show don't tell" (montrer plutôt que dire).
Par exemple, si j'écris "Le tigre sort du
buisson et le héros a peur", ce qui est sûr, c'est que lecteur, lui n'a
pas peur.
Dans ce qui suit, je ne dis pas que le héros a
peur, mais on le voit à ses réactions. Et quelques petits détails montrent au
lecteur que le héros est vraiment dans la... dans les ennuis quoi !
"Le héros se fige. Malgré la fraicheur
ambiante, il commence à transpirer. N'a-t-il pas vu les buissons remuer ? Trop
tard pour retourner à l'autre bout de la clairière, où il a stupidement laissé
son fusil. Quand les crocs franchissent la barrière du fourré, il sait qu'il
n'aura pas le temps d'atteindre le refuge de l'arbre voisin. De chasseur il est
devenu proie."
Bon ! Si
c'est le héros, il faudra quand même trouver un moyen de le sortir de là, sinon
le lecteur ne va pas être content
Ce qui est sûr, c'est que chacun possède sa propre
manière d'accrocher le lecteur, il n'y a pas une seule recette. Il faut y
mettre ses tripes, et nous n'avons pas tous les mêmes tripes.
Après il y a la soumission à un éditeur, à un
anthologiste (si l'on a répondu à un appel à texte). La concurrence est rude,
comme je l'ai dit plus haut. Un refus n'est pas une déchéance. C'est dans
l'ordre des choses, c'est une occasion de s'améliorer, de mieux cibler ses
envois, de passer à un autre thème (parfois il ne faut pas s'acharner sur un
texte uniquement parce qu'il nous tient à cœur)
Et si vous vous voulez une petite histoire drôle
(mais assez vraie) sur la différence entre le paradis et l'enfer des écrivains,
je vous livre celle-ci:
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Un écrivain arrive devant Saint-Pierre.
-Vos bonnes et vos mauvaises actions
s'équilibrent, lui dit le gardien des clés du royaume des cieux. Nous allons
vous laisser choisir entre l'enfer et le paradis des écrivains. Que voulez-vous
visiter en premier.
-L'enfer, répond l'écrivain. Ça sera fait.
Ils descendent donc dans les profondeurs, passent
une porte gigantesque et là, c'est l'horreur. Des milliers d'écrivains sont
enchaînés devant leur poste de travail, avec leurs plumes, crayons, stylos,
machines à écrire, ordinateurs... Ils écrivent frénétiquement tandis que de
petites flammes leur lèchent les poignets et qu'ils sont fouettés par des
démons.
-Ah non ! s'exclame l'écrivain. C'est vraiment
trop dur. Allons voir le paradis.
Ils remontent et parviennent devant une nouvelle
porte.
Quand ils la franchissent, l'écrivain ne peut en
croire ses yeux :
Des milliers d'écrivains sont enchaînés devant
leur poste de travail, avec leurs plumes, crayons, stylos, machines à écrire,
ordinateurs... Ils écrivent frénétiquement tandis que de petites flammes leur
lèchent les poignets et qu'ils sont fouettés par des démons.
-Mais, dit l'écrivain, je ne comprends pas. C'est
la même chose qu'en bas !
-Ah non ! Répond Saint-Pierre. Ceux-ci sont
publiés !!
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Bon courage !
Quelle est
ton actualité littéraire sinon ? Y a-t-il de nouvelles parutions que nous
devrions guetter cette année ?
Pour 2013, en dehors des deux textes que j'ai
cités plus haut, il faut attendre encore "Une visite au Mont
Saint-Michel" à paraître dans l'anthologie "Riposte-apo" pour
notre convention imaJn'ère 2013 (http://imajnere.blogspot.fr).
Bien que le titre ne l'évoque pas intuitivement, il s'inscrit dans cette antho
post apocalyptique et débute 7 milliards d'années dans le futur (je n'ai peur
de rien).
Une deuxième nouvelle doit également être publiée
au premier semestre, mais je ne peux pas en dire plus tant que le sommaire de
cette publication n'est pas officiellement connu (il faut bien un peu de
mystère).
Ensuite, si je parviens à tenir les promesses que
je me suis faites à moi-même, rien jusqu'à la sortie du roman que je prévois
pour 2015 (terminer l'écriture, passer par un cycle de corrections, trouver un
éditeur... Il faut du temps).
Cela dit, sur ces deux années à venir, j'aurai
sans doute besoin de parenthèses pour ne pas devenir plus fou que je ne le suis
déjà. Mais je suis bien incapable de dire aujourd'hui quelles formes elles
prendront.
Merci
Patrice pour ces réponses !! Et ton temps et ta générosité !
Quoi qu'il en soit, je te remercie chaleureusement
de m'avoir donné la parole dans les colonnes de ton blog et te souhaite toute
la réussite possible pour tes propres publications.
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